Bilan moral de la mission
Héléna et Fudi
Comme prévu, nous avons été hébergées chez Héléna et Fudi, dans leur maison neuve au-dessus de leur magasin : pâtisseries et petit supermarché. C’était confortable pour nous car en plein cœur de Teluk Dalam, et tout près de chez Nur. Comme d’habitude, leur accueil a été très chaleureux, Héléna tient les comptes à la perfection et surtout, elle nous a beaucoup aidées pour la rédaction du contrat de construction de la maison de la famille de Firman. Nur et Alex
Nur et Alex se remettent de la perte de leur petit garçon début juillet. Nous avons pu travailler avec eux efficacement dès le premier jour. On peut souligner leur implication, leur attitude très attentive, leurs nombreuses propositions lorsqu’un problème survenait. Nur enseigne l’anglais 3 matinées par semaine mais restait disponible pour nous l’après-midi. Alex continue l’élevage des poulets (qui marche très bien !), ce qui lui laisse du temps dans la journée. Il nous a donc beaucoup aidé lui aussi. Ils emmenaient parfois leurs fils Léonardo ( il a 2 ans ) chez la grand-mère pour faciliter notre tâche.
Etat des lieux à Teluk Dalam :
Nous avons trouvé la ville propre dans les grandes rues, avec beaucoup de nouvelles constructions. Au bout du port, par contre, et dans les villages, les déchets s’accumulent partout. Le gros problème est l’électricité insuffisante pour fournir tous les commerçants. Les gens sont obligés d’acheter des générateurs, Héléna et Fudi, par exemple, qui utilisent fours et congélateurs, sont parfois désespérés … Quant à internet....La connexion est toujours aussi aléatoire, dépendant de l’électricité et du climat équatorial ( fortes averses !)
Les élections du nouveau « Bupati » auront lieu en décembre et la campagne est déjà acharnée. L’école est toujours « gratuite » mais les enseignants sont payés, au mieux, à la fin du trimestre. Quant à la situation à la faculté, elle est catastrophique puisque les enseignants n’ont pas été payés depuis plusieurs mois. La directrice, Ibu Zagoto, est « en guerre » contre l’actuel Bupati qui fut pourtant son allié au début de son mandat... Les élèves, quant à eux, ne voient que la gratuité des études, s’opposant ainsi à l’action de leur directrice.
La nouvelle organisation :
Nur ne conduisant pas de moto et ayant un enfant en bas âge, ne peut se déplacer pour aller voir les élèves. Nous avons proposé que ce soient les élèves ou leur famille qui se déplacent chez Nur. Pour cela, elle avait besoin d’un téléphone que nous lui avons acheté. Nous sommes allées voir toutes les familles pour leur expliquer cette organisation et leur donner le numéro de téléphone de Nur. Tout le monde a été d’accord avec ce nouveau fonctionnement plus pratique. De plus Nur peut communiquer par SMS avec Claire ce qui nous est bien utile entre autres pour la construction de la maison. Ils élèvent toujours leurs poussins. Ils vendent les poulets à Bawomatalowo.
Internet
L’accès à internet est encore très difficile mais possible. Nous allons dans des salles divisées en petites cases où, assises parterre, nous tentons de nous connecter…
Déplacements :
A pieds dans T. D, en ojek* ou en **becak ailleurs (*moto avec chauffeur, ** tricycle à moteur ).
Les élèves :
Les « mauvaises » nouvelles :
Dès le premier matin, nous avons loué des motos avec chauffeur pour nous rendre chez Desti, l’élève la plus éloignée, et pour laquelle Kti avait un « mauvais » pressentiment. Desti, 15 ans, qui devait entrer au lycée en juillet, va se marier fin novembre, décision de son papa. A Nias, c’est le fiancé qui paie la dot, une fille est donc une valeur marchande... La famille de Desti étant vraiment pauvre ( aucun des autres enfants ne va à l’école ), le papa, sans nouvelles de Faomasi, a pris cette décision sans même essayer de contacter Nur, en deuil à cette époque. Est-ce ce concours de circonstances qui a entraîné cette décision ? Nous avons proposé qu’elle continue ses études après mais, à Nias, c’est impossible, tradition oblige !
Depi Hati, en deuxième année à l’université, a interrompu ses études pour se marier.
Derma Wati, après 4 ans de faculté, n’a pas passé les examens terminaux, s’est mariée et a un enfant.
Heltin ( nous sommes allées à sa recherche), devait être normalement en deuxième année à la faculté, mais elle nous a appris que depuis un an et demi, elle souffrait d’un mal étrange qui lui paralysait les jambes et lui donnait de forts maux de tête. Elle a consulté un médecin qui lui a dit qu’elle souffrait sans doute d’un problème neurologique, sans pour autant l’aider. Elle est aussi allée consulter un « magicien » qui a dit qu’on lui avait jeté un mauvais sort... Elle est très amaigrie. Toute la lumière qui rayonnait sur son visage a disparu, elle a pleuré quand on s’est rencontrées...Nous avons eu beau réfléchir avec Nur, nous n’avons pas trouvé comment l’aider. Nous lui avons dit de tenir Nur au courant et que nous espérions qu’au mois de mai, sa santé lui permettrait de se réinscrire à la fac.
Ferdin, qui devait passer ses examens terminaux, s’est « enfui » à Medan il y a quelques mois. La famille d’une jeune fille l’accuse de lui avoir « manqué de respect » et le menaçait. Nous avons pu le joindre au téléphone, il travaille mais ne gagne pas assez d’argent pour passer ses examens qui coûtent extrêmement cher. Il a promis de revenir en décembre et Nur doit l’aider dans ses démarches pour réintégrer la fac. C’est un excellent élève et nous espérons qu’il pourra se tirer de ce mauvais pas.
Helviani, la soeur de Firman, n’est pas rentrée à la fac parce que la maman ne voulait avoir ses 3 enfants à l’ université. Cela fait perdre une année à Helviani qui est une très bonne élève et ce n’est pas une bonne stratégie puisque Faomasi paie tous les frais des études à l’université...
A l’Université de Teluk Dalam , la situation est très critique
Ibu Zagoto a eu beaucoup de soucis avec le Bupati avec lequel elle s’est fâchée. En répression, les services du Bupati n’ont plus voulu payer les salaires des professeurs. Les élèves, en majorité, se sont malheureusement mis du côté du Bupati car c’est grâce à lui qu’il n’y a plus de frais de scolarité mais le coût des examens en fin de cursus est exorbitant. Ibu Zagoto se trouve donc dans une situation très désagréable et difficile à gérer. Nous n’avons pas pu la rencontrer, elle était souvent à Medan pour trouver une ou des solutions au paiement des salaires.
Les bonnes nouvelles :
A l’Université :
Deux élèves ont terminé définitivement leurs études : Haniati a passé ses examens avec succès, elle est maintenant professeur d’anglais à la fac.
Sopan, lui aussi, a terminé avec succès, il n’a pas encore trouvé de travail. Nous lui avons remboursé le coût des examens ( 3 000 000 de roupies = 200 € ) qu’il n’avait pas osé demander à Nur, mais qu’il avait emprunté. Il a travaillé pendant quelque temps à s’occuper des photocopies à la fac mais il a dû arrêter, faute de paiement.
Iman Yus, 24 ans, va passer le semestre prochain, les examens terminaux. Nous lui avons avancé l’argent, soit 5 millions de roupies (340 € ). Il aura donc fini ses études.
Trois élèves, Arif, Arnitas et Yantiani sont en stage pratique de 6 mois. Ce stage se divise en deux parties : 3 mois dans une école correspondant à leurs études, 3 mois dans un village dans lequel ils doivent participer aux activités sociales et culturelles. Ces stages sont très onéreux ( les élèves doivent payer nourriture, hébergement et diverses fournitures ). Cela se chiffre entre 2 et 3 millions de roupies, soit 140 à 200 €. Ils sont actuellement dans les villages et devront rendre fin décembre un rapport sur ces stages. Le semestre suivant, ils présenteront un mémoire. Le coût de cet examen final est de 5 millions de roupies, soit 340 €.
Elman, 21 ans, est en 3ème année à la fac, il étudie le management.
Kiki, normalement en deuxième année à l’université de Teluk Dalam, est partie à Médan. Nous attendons qu’elle apporte à Nur ses bulletins pour lui verser la bourse habituelle.
Firman, élève parrainé, après nous avoir proposé deux orientations que Faomasi ne pouvait pas suivre, a rejoint la faculté de droit.
Leli Yanti, élève parrainée, ( ayant de la suite dans les idées !) est à Médan dans une école d’infirmière, ce qui était depuis toujours son objectif. En accord avec sa marraine, nous poursuivons l’aide : 2 000 000 Rp par an si ses résultats sont bons.
Au lycée ( SMA ou SMK ) ou au collège ( SMP ) :
Iklas termine le lycée professionnel ( SMK) avec d’excellents résultats. Il a fait un stage professionnel en avril.
Tutti et Yusnita ont quitté le lycée musulman pour intégrer un lycée professionnel, la première pour une section « informatique », la seconde pour une section « couture, mode ».
Natal, élève aidé par le collège de Bouloire, terminera le lycée en juillet 2 016.
Derlin, élève parrainée, est en dernière année de collège. Elle nous a dit que, l’an prochain, elle irait dans un lycée professionnel car elle est intéressée par l’informatique. En janvier, avec l’aide de Nur, un rendez-vous sera pris à Gunung Sitoli, pour effectuer des examens nécessaires pour ses problèmes thyroïdiens
Les nouveaux élèves
Deux des élèves aidés par Bouloire ayant arrêté leurs études, nous en cherchions deux autres. Nur nous a parlé d’un jeune étudiant orphelin, qui avait du mal à faire face aux frais universitaires. Nous l’avons rencontré et avons décidé de l’aider afin qu’il puisse arrêter les divers petits boulots qui lui prennent du temps sur ses études. Juang a 24 ans, il est en deuxième année de biologie. Il nous a apporté ses bulletins qui sont excellents.
Un professeur de collège nous a interpellées pour nous indiquer que la sœur de Derma Wati, Libertina, avait besoin d’un soutien financier, son papa, ouvrier agricole, étant veuf. Nous sommes allées chez elle et avons dit à son papa que nous poursuivrions l’aide commencée avec sa sœur. Libertina a 12 ans, elle est en première année de collège. Elle a 6 kilomètres à faire matin et soir, pour se rendre au collège. Jusqu’alors, elle les a toujours fait à pied, mais il lui arrivait d’être en retard. Son papa a suggéré qu’un vélo pourrait lui être très utile. Nous avons donc acheté, grâce à la collecte qu’un élève de Bouloire avait effectuée dans sa famille, un vélo rose tout neuf !
Notre visite au camp :
Le camp définitif est quasiment déserté. Il reste 3 familles ( Iklas, Arif et Iman Yus) parmi celles que nous aidons. L’état des lieux est toujours le même : pas de canalisations, chemins d’accès aux maisons boueux et caillouteux, le becak a dû nous attendre sur la route… Chaque famille a essayé d’améliorer son habitat : ajout de murs en parpaings, ajout de terrasse en bois pour agrandir la surface de vie. Il est certain que ces familles resteront dans le camp encore longtemps.
Nos « loisirs » : Un dimanche après-midi avec Héléna et Fudi, en moto…
Claire a visité le village de Bawomatalowo, après une bonne averse pendant le trajet à moto. Dans ce village, nous sommes passées voir Semuda dont nous scolarisons la fille Arnitas, et il voulait absolument nous offrir à manger. Mais nous n’avions pas le temps. Baignade ensuite à la plage de Lagundri : Claire et Fudi ont profité des joies de l’océan pendant que Héléna et Cathy papotaient. Claire a voulu aller à Sorake voir la vague de surf, et, sur le chemin du retour, nous avons visité la dernière « folie » du Bupati : un immense bâtiment vide, entouré d’eau, avec un immense parking, desservi par une très large avenue asphaltée ( quelle différence avec le camp !!) Personne ne sait exactement quelle sera son utilisation, surtout si l’actuel Bupati n’est pas réélu. Il a d’ailleurs entamé la construction d’un deuxième complexe administratif à 20 kms de Teluk Dalam, en pleine montagne… Le précédent complexe, construit au début de son mandat, il y a 3 ans, a été donné à l’armée. Nous avons terminé notre balade par un coucher de soleil sur la « plage du Bupati », créée il y a 2 ans, et maintenant très bétonnée, avec hôtel, piscine et jeux pour enfants.
Une belle rencontre :
Un soir alors que nous rentrions chez Helena, un jeune homme à moto m’a appelée : « Ibu Kati » ! Il était sur sa moto avec une femme et 2 enfants. Sa femme n’était autre que Srisulisti Wati qui vivait dans le camp en 2007 et que nous avions aidée pendant 2 ans, ensuite elle a déménagé à Gunung Sitoli. Elle m’avait de suite reconnue. Elle a 2 garçons, ne travaille pas, son mari est étudiant ! Son sourire est toujours aussi éclatant.
La maison pour la famille de Firman :
Après plusieurs discussions qui nous laissaient peu d’espoir de trouver un maître d’œuvre à Teluk Dalam, nous étions assez désespérées quand Alex nous a dit qu’il connaissait quelqu’un qui pouvait nous fournir un projet. Trois jours avant notre départ, il nous a présenté deux plans très bien réalisés pour une maison de 8m x 6, avec deux chambres, un salon-cuisine, une salle de bain avec toilettes et un descriptif chiffré des matériaux nécessaires. Nous étions ébahies et ravies, avons porté le projet à Héléna et Fudi (qui avaient l’expérience de la construction de leur maison) pour avoir leur avis. Ils ont été surpris de la qualité de ce projet et dit que les tarifs des matériaux étaient normaux. Nous avons donc décidé d’accepter ce projet et demandé à rencontrer son auteur : Jenius, qui n’est autre que le frère d’Alex, et avec lequel Héléna est allée à l’école. Nous pouvions donc avancer en toute sécurité. Alex, Jenius et Nur ont retravaillé le projet sur l’ordinateur, pour qu’il soit en 4 étapes, avec un budget prévisionnel de 2791 €. Nous avons aussi rencontré l’oncle de Firman qui nous avait fait une proposition il y a 2 ans et lui avons demandé s’il acceptait de se joindre à l’équipe de Jenius qui serait le chef de chantier. Ce qu’il a accepté. Alex a accepté d’être responsable de tout l’approvisionnement et du transport des matériaux, car le terrain de la construction est éloigné du fournisseur. Il nous restait à écrire un contrat, ce que nous avons fait avec l’aide d’Héléna. Ce contrat officiel est signé par Jenius, Kathy et Claire, avec Nur et Héléna comme témoins. Nur et Kti l’ont traduit en français.
A 19h, à la veille de notre départ, Claire s’est fait transportée par Alex, en moto, pour trouver Jenius qui travaillait sur une toiture, afin qu’il signe le papier officiel… Il nous restait encore à trouver une photocopieuse, un samedi soir, après la fermeture des magasins. Mais nous avons finalement réussi et sommes parties le lendemain l’esprit plus tranquille !
Depuis notre départ, les choses ont bien avancé. Kti envoie à tous les adhérents-donateurs les photos de la construction qui arrive à la troisième étape. La construction sera terminée au plus tard fin janvier si aucun problème ne surgit.
Quant au certificat de propriété nous l’attendons toujours… Jenius et Nur ont fini par aller au bureau qui délivre les certificats et le responsable leur a annoncé que le certificat ne serait délivré qu’après 2 à 3 mois de publication soit en mars ou avril car l’élection du Bupati en décembre reporte tous les actes. Toute construction était impossible or Jenieus avait du temps et il s’est fâché. Comme il est connu dans ce bureau comme maître d’œuvre, il a obtenu une « lettre » certifiant que le certificat était bien en cours et que la construction pouvait commencer !!!! Helena qui a œuvré depuis plus d’un an pour cet acte, a donné son accord pour la « lettre » et nous avons donné le feu vert pour le début des travaux.